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Photo du rédacteurHéloïse Leclerc

Maîtriser les tanins en cuisine

Dernière mise à jour : 24 sept. 2019

Si les amateurs de vin rouge apprennent à les savourer presque sans s'en rendre compte, les tanins font partie des saveurs les plus mystérieuses de notre alimentations, au point de se trouver dans une sorte d'angle mort. Je n'ai commencé à approfondir ma réflexion sur le sujet que récemment, dans le cadre de mes ateliers sur les saveurs. Voici ce que j'ai appris jusqu'à présent.



Tanins et astringence


Souvent confondue avec l'amertume (et parfois présente en concomitance, donc la confusion est bien naturelle), l'astringence est une sensation tactile. À ce juste titre, elle n'est pas détectée par les papilles gustatives, mais d'autres capteurs des muqueuses.


Cette sensation est déclenchée par les aliments riches en tanins. Ceux-ci interagissent avec les protéines de l'amylase salivaire, ce qui a pour effet de lui faire perdre son effet lubrifiant, ce qui donne une impression de bouche sèche et rugueuse et provoque une contraction des muqueuses. Pas exactement la sensation la plus agréable a priori... Mais ce n'est pas la fin de l'histoire!


Où trouve-t-on des tanins?


Dans le vin, les tanins proviennent de la peau de raisin, des pépins ou du bois d'un fût (ex: de chêne): c'est donc l'affaire des rouges plus que des blancs.


Mais il n'y a pas que le vin qui renferme des tanins! Plusieurs aliments très répandus en contiennent également, comme le chocolat noir (qui est aussi amer), la canneberge, la peau de pomme, les noix de Grenoble, la grenade et certains thés. Des aliments, qui, pour la plupart, déplaisent aux enfants? Un hasard?


Absolument pas! Le déplaisir initial suscité par les tanins aurait une racine évolutive, puisque leur présence aurait découragé les hommes primitifs de manger les plantes potentiellement nocives pour lui.



L'habituation aux tanins


Comme pour l'amertume, l'appréciation des tanins découle d'expositions répétées qui créent un cadre de référence sécurisant pour le mangeur, en plus d'une habituation assez rapide à l'intérieur d'un même cycle de consommation. L'astringence "fatigue" en effet l'appareil buccal et devient difficile à détecter.


Dans le vin rouge, les tanins aident à donner "du corps" au liquide et à en faire autre chose que du simple jus de raisin. Si les tanins "s'assouplissent" généralement avec le temps - les vins bien vieillis sont considérés plus souples que les jeunes -, l'oxygénation demeure une stratégie accessible pour les adoucir.


On s'entend, bien que la carafe produise de bon résultats sur le vin, cette stratégie n'est pas trop utile pour les aliments comme la canneberge ou le chocolat noir...


Comment équilibrer les tanins alimentaires?


C'est en regardant du côté des accords "mets et et vin" qu'on trouve les réponses les plus intéressantes. Deux pistes s'offrent à la base! Un accord avec une viande rouge très sanguine, car les tanins se lieront au sang et laisseront un peu l'amylase salivaire et la langue en paix.


La seconde piste tombe également sous le sens: le gras agissant comme lubrifiant dans la bouche, il permet de protéger les muqueuse de l'assèchement provoqué par les tanins. Un fromage bien gras fait donc ici très bien l'affaire, surtout s'il est salé, car ce goût a aussi un effet équilibrant sur les tanins.


Et si les tanins venaient à la rescousse des autres saveurs?


Le principe est bien connu en sommellerie: de la même manière qu'un vin acide permet de couper au travers d'un plat gras, un vin avec de beaux tanins va rendre plus digeste une viande rouge saignante. Ainsi, ce n'est pas l'aliment qui équilibre le vin, mais le vin qui améliore l'expérience de l'aliment en bouche!


Par exemple? Un brownie au chocolat au lait pourrait facilement devenir trop riche: une bonne dose de cacao et des noix de Grenoble viennent couper au travers du gras. Si on applique cette logique à une autre combinaison d'aliments, on peut donc inférer qu'un beurre blanc à la canneberge semblerait plus léger/digeste qu'un beurre blanc au miso, par exemple.


C'est un peu comme ça que je suis devenue maniaque de la pomme grenade! Les fruits ont une forme et une couleur attrayante, mais ce sont de petites bombes acides et tanniques qui permettent de rafraîchir plusieurs plats. Mon mariage préféré: grenade et magret de canard, qui combine l'aspect gras (sur la peau) et le caractère sanguin assumé.

Il y a donc beaucoup de place à réfléchir les aliments tanniques comme une façon sophistiquée d'équilibrer des saveurs choisies.

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